François Mitterrand, Line Renaud, Laurent Fabius, Dalida, Georges Marchais, … De son talent vocale et de sa douce férocité, Thierry Le Luron les a tous croqués mais surtout démasqués dans leur plus intime personnalité. Subtil peintre d’une galerie de portraits délicieux, Le Luron se révèle également génial caricaturiste d’une époque et pertinent décrypteur d’une société toute entière. Lecteur attentif et pointu des travers des contemporains les plus connus, il a dressé un portrait de la France d’alors. Esquisse non pas seulement décalée et persifleuse, mais critique et virulente d’un pays encore marqué par une rigueur qui ne laissait que peu de place à la dérision et à l’auto-critique. Impliqué, concerné, c’est plus qu’un amusement, mais une critique acerbe et visée que le plus grand imitateur de France s’est évertué à posé sur toute une époque.

Car, ce que l’on retient le moins 30 ans après sa disparition, c’est combien, au-delà de son talent d’imitateur hors pair, Thierry Le Luron a bousculé les mœurs et dépassé les limites d’une France encore soumise au dictat politique sur l’information. Et c’est précisément ce Thierry Le Luron qu’il est passionnant de relire, au regard du contexte et des personnalités de l’époque.

Revoir non pas ses sketchs uniquement pour ce qu’ils avaient de drôlissimes, mais pour ce qu’ils recelaient de pertinence et pour ce qu’ils traduisaient de l’air du temps. Au delà du rire, comment mieux comprendre l’impact de sa formidable imitation de Georges Marchais sinon en la relisant au regard des entretiens du leader du PC avec Jean-Pierre Elkabbach et Alain Duhamel à l’émission « Cartes sur table » qui l’avaient inspiré. Comment saisir l’impertinence de son détournement « L’emmerdant, c’est la rose » sans rappeler les rapports du nouveau pouvoir socialiste avec les médias. Ou comment mieux apprécier sa chanson « Souvenir attention danger » qu’en la replaçant dans le contexte de la montée en puissance du Front National dans les années 80.

Au fil des voix

Comme un portrait en jeu de miroir, « Thierry Le Luron, le miroir d’une époque » dessine donc la personnalité du grand imitateur à travers ces victimes, une lecture de ses œuvres à travers la société.

Car de ses multiples voix, la sienne résonnait d’un caractère bien plus fort, caustique voire irrévérencieux qu’on pourrait l’entendre a priori !

 

Si de ses costumes au cordeau et de sa bouille enfantine, Thierry Le Luron a imposé, durant toute sa carrière, une allure de communiant très obéissant, cet apparent costume d’enfant sage cache en fait, un génial perturbateur. Jacques Chancel ne lui demanda-t-il pas : « Vous ne pensez pas qu’il faut savoir jusqu’où on peut aller trop loin ? Ou bien le pamphlétaire peut-il aller jusqu’au bout ? ». Ce à quoi, celui que le Canard enchaîné avait qualifié de « persifleur n°1 », que Madame Fabius traitera de raciste, et qui gagnera son procès intenté par Jean-Marie Le Pen, rétorquera : « je suis un anarchiste essuie-glace, un coup à gauche, un coup à droite ». Et c’est ce personnage, lecteur de l’air du temps autant que bousculeur du prêt-à-penser, que « Thierry Le Luron, le miroir d’une époque» se propose de relire, au long de ses imitations cultes, qui auraient du mal à exister aujourd’hui !

« Thierry Le Luron, le miroir d’une époque », vendredi 20 juillet 2018, 20h50, France 3

Rediffusions les 27 juillet à 00h40 et 31 juillet à 1h45

 

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